30 Sep 2016 / Gary Camboulives, Psychopraticien à Paris

Walter en analyse

Dans cet article, je souhaite vous partager mon analyse sur le personnage de la série « in treatment » dénommé Walter. Ainsi, je vais vous parler de l’évolution de Walter dans son processus de deuil comme exemple pour étendre au sujet du deuil en général.

La problématique principale de Walter tourne autour d’un deuil non résolu. Ce deuil est un deuil inhibé dans lequel Walter ne nie pas la réalité de la perte, mais il refuse les émotions et la douleur qui y sont liées. J’émets l’hypothèse que la problématique du deuil inhibé est renforcée dans nos sociétés occidentales par de forts aspects culturels. Cette culture transmise par les parents de Walter s’inscrit donc dans une longue tradition, largement exprimée dans le stoïcisme et les doctrines philosophiques qui s’en inspirent, qui valorise la retenue des émotions face à la perte, à la douleur, aux événements de la vie :

Lorsque tu vois un homme qui gémit dans le deuil, soit parce que son fils est absent soit parce qu’il a perdu ce qu’il possédait, prends garde de te laisser entraîner par l’idée que les maux dont il souffre lui viennent du dehors. Mais sois prêt à dire aussitôt « ce qui l’afflige, ce n’est pas ce qui arrive, car un autre n’en est pas affligé ; mais c’est le jugement qu’il porte sur cet événement ». N’hésite donc pas, même par la parole, à lui témoigner de la sympathie et même, si l’occasion s’en présente, à gémir avec lui. Mais néanmoins prends garde de ne point aussi gémir du fond de l’âme. [Epictète – Manuel].

Le deuil de Walter possède de plus une spécificité dans le fait qu’il est enfant âgé de 6 ans quand l’accident mortel de son frère survient. En effet, d’après le docteur Michel Hanus, le deuil chez l'enfant ne se déroule pas de la même manière que chez l'adulte, il a ses particularités. Comme chez l'adulte, l'enfant est choqué et il y aura une différence si la mort est violente ou non. L'enfant peut aussi, tout comme l'adulte, tomber malade. Mais le deuil des enfants ne va pas vers sa terminaison. Il n'y a pas de fin de deuil, car l'enfant perd une partie de lui-même. Même s'il continue d'avancer et de progresser. Une part de souffrance réapparaîtra au cours des épreuves de sa vie future.

Nous observons cet échange corroborant entre Walter et Paul à l’épisode 6 :

Paul : Et si je le fais...qu'arrivera-t-il à l'autre Walter ?

Walter : De quoi parlez-vous ?

Paul : Le Walter dont vous ignoriez l'existence, le petit garçon dont on a pris l'enfance quand il avait six ans. Il est resté assis là... tout ce temps, dans le noir... complètement terrifié... à espérer qu'on le remarque enfin...peut-être qu'on le rassure. Et peut-être...Peut-être que c'est enfin sa chance. Votre chance... de retrouver ce garçon...De regagner une partie de vous que vous avez niée votre vie entière. Est-ce que cela vous parle ?

Walter : Vous voulez que je regagne une part de moi... qui s'est déchirée, qui...a cédé sous la pression ? Pourquoi ferais-je ça ?

Paul : Parce que je ne pense pas que ce soit la part de vous qui s'est effondrée. C'est la part de vous qui a envie de vivre.

Pour accepter la réalité de la mort, l'enfant a besoin de dire au revoir au défunt, de prendre part aux funérailles. Le travail de deuil s'effectue par les mêmes processus de reconnaissance de la réalité, d'intériorisation avec identification et d'élaboration des sentiments inconscients de culpabilité. L'enfant se sent toujours coupable de la mort des êtres aimés (toute-puissance, restes de pensée magique).

Walter n’a pas pu dire au revoir et n’a probablement pas pu assister aux funérailles de Tommy. Il se sent complètement coupable de la mort de son frère.

Dans l'episode quatre :

Walter : Tommy allait faire le mur pour se rafraîchir au lac. Il est venu dans ma chambre...et a dit...que cette nuit, il allait sauter de la plus haute falaise. Il me le demandait bien plus qu'il ne me l'annonçait.

Paul : Que lui avez-vous dit ?

Walter : "Tommy, tu peux le faire. Tu peux le faire, Tommy." Je lui ai dit que le lendemain...j'irais le raconter à tout le monde. Il m'a embrassé...et il n'est jamais revenu.

Paul : Vous vous êtes senti responsable de sa mort.

Walter : Je l'étais. Je le suis.

Paul : Walter, votre frère a sauté. Vous ne l'avez pas poussé. Il a choisi de sauter.

Selon le docteur Michel Hanus, l'enfant est en mesure de travailler un deuil à partir de trois ans. Il doit encore faire certaines acquisitions d'ordre intellectuel, affectif et cognitif avant de pouvoir faire un réel travail de deuil : La maîtrise de la réalité de la mort, l'acquisition d'une représentation interne stable de l'objet perdu et la certitude que ses besoins physiologiques et psychologiques seront satisfaits en l'absence de l’être disparu.

Dans l’épisode 6, Paul se demande comment Walter a pu supporter tout cela jusqu'à maintenant. (Paul : Je ne pense pas que vous voulez les crises. Mais je me soucie de votre état en l'absence de crise. Vous vous en voulez...de céder face à la pression. Mais je suis impressionné que vous ayez tenu le coup aussi longtemps.)

En prenant l’hypothèse du trait de personnalité obsessionnelle prédominant chez Walter, il m’est possible de penser que le trait obsessionnel supporte parfois mieux le deuil. En effet, l'objet du deuil est précisément Tommy avec lequel Walter s'est douloureusement intriqué et donc une forme de soulagement peut apparaître, liée à un dégagement, dans le réel, de l'aliénation. D’après Walter, Tommy était l’ainé brillant et préféré de ses parents et lui vivait dans l’ombre de son frère ainé. Ainsi, même si cette distance n'est pas travaillée par une psychothérapie, ce qui est le cas pour Walter jusqu'à présent, elle opère cependant à minima dans la mesure où le rappel constant du processus obsessionnel n'a plus lieu, du fait de la disparition de la relation où il se réactivait sans cesse.

Cette désintrication peut être cependant à l'origine d'une culpabilité inconsciente, et donc d’une aggravation, Walter s'en voulant de se sentir parfois plus léger de la disparition de Tommy qui pourtant l'écrasait de son amour fraternel.

Le processus du cycle de réponse au deuil au cours de la thérapie de Walter :

Appliquée au changement, la « théorie du cycle de réponse au deuil » de Kubler-Ross décrit, malgré les différences individuelles, cinq étapes successives de la réponse émotionnelle au changement. Ce cycle vaut surtout s’il s’agit d’un changement imposé et subi. Walter fait face à un triple deuil, à celui de son poste de PDG mais aussi de manière indirecte à celui de son ami James qui était le fils des Donaldson sur lesquels il a projeté l’image de ses parents et, bien sur, le deuil originel de son frère Tommy qui n’a jamais été travaillé.

Le déni, le refus de comprendre

Cette courte phase du deuil survient lorsque le sujet apprend la perte. C'est une période plus ou moins intense où les émotions semblent pratiquement absentes. Les mécanismes de défense sont sollicités au maximum afin de protéger de la réalité trop brutale de la perte.

Dans le premier et deuxième épisode, j’observe chez Walter un comportement manifeste de déni, de refus de comprendre ou d’investiguer la cause de ses crises de panique.

La colère

Le sujet « accuse » les responsables apparents du changement. Cette phase est caractérisée par un sentiment de colère face à la perte. La culpabilité peut s'installer et c’est manifestement le cas chez Walter.

Dans le troisième épisode, j’observe les manifestations de la colère contenue de Walter par le biais de son arrivée tardive, sa façon de tendre son manteau à Paul comme a un valet et des coups de téléphones qui parasites sa séance et qui demande de l’excuser sans arrêt. (jeux « Schliemiel » typique en Analyse Transactionelle). Sa colère est plus exprimée lors de la verbalisation de sa pire peur dont je fais l’hypothèse qu’il sait inconsciemment qu’elle va se réaliser, à savoir la perte de son poste au profit de Jace.

Enfin, la colère de Walter s’exprime par son envie d’emprise sur sa fille dont il ne cautionne pas les choix de vie.

La détresse, la peur

Le sujet « apprécie » la réalité de la perte. Phase plus ou moins longue du processus de deuil qui est caractérisée par une grande tristesse, des remises en question, de la détresse. Les endeuillés dans cette phase ont parfois l'impression qu'ils ne termineront jamais leur deuil car ils ont vécu une grande gamme d'émotions et la tristesse est grande.

Vers la fin du troisième épisode, Paul met en lumière la peur de Walter par le biais de son attitude envers sa fille Nathalie lors de son voyage au Rwanda.

La détresse se manifeste par une prise de conscience de Walter (J'ai réalisé qu'elle n'avait plus besoin de moi. ep3). Cette phase se poursuit au cours de l’épisode quatre (J'ai baissé ma garde, Paul. Je mérite cette punition. ep4)

La tristesse

La phase de tristesse est une phase qui peut être assez longue et doit permettre au sujet de laisser la place au changement. C’est une phase de transition et d’acceptation plus ou moins douloureuse qui est contrastée entre la prise de conscience de la peur, de la colère et de la culpabilité ressentie.

Walter s’identifie à son ami Dean qui a vécu un licenciement assez similaire et qui a trouvé un hobby. (Votre vie est finie, comme celle de Dean. Le pensez-vous vraiment ? ep4)

Dans l’épisode quatre, Walter évoque son énorme sentiment de culpabilité par rapport à sa fille Nathalie, aux Donaldson et la mort de leur fils James, aux enfants morts par le lait contaminé et bien sur par rapport à son frère Tommy.

Walter effectue un passage à l’acte via sa tentative de suicide qui marquera le paroxysme de cette phase.

Dans l’épisode cinq, il est observable que le processus de deuil est cyclique car Walter va refaire un passage dans la phase de déni, de colère, de peur et de tristesse lorsqu’il va mentir à propos de sa tentative de suicide.

L’acceptation, l’intégration du changement, quête de sens et renouveau

Phase dans laquelle le sujet accepte la réalité et ses multiples implications. La réalité de la perte est beaucoup plus comprise et acceptée. Le sujet peut encore ressentir de la tristesse, mais il a retrouvé son fonctionnement et peut s’ouvrir à des options.

Dans l’épisode six, Walter prend en considération les conseils de sa fille. Il est plus attentif à son environnement (C'est...agréable de voir le printemps venir. J'ai enfin la chance de m'occuper de mon jardin. De sentir les roses. Ep6) et surtout Walter va finir par accepter la réalité de sa perte et commencer à intégrer le changement inévitable qui en découle.

Dans le dernier épisode, Walter accueille de manière ouverte les interprétations de Paul par rapport au sens de ses actions et de ses rêves qui semble pointer vers un renouveau.

Le Cycle de la colère

Ces cinq phases peuvent être linéaires mais il arrive souvent qu'un endeuillé puisse faire des retours en arrière avant de recommencer à avancer.

Il m’est apparu lors de ce travail d’observation, qu’il n’était pas aussi évident de percevoir avec exactitude la situation de Walter face à chaque phase, à chaque démonstration émotionnelle, à chaque manifestation comportementale ou bien transactionnelle. Toute la complexité de l’approche du cycle de réponse de Kubler-Ross appelle à une prudence d’interprétation des émotions manifestées face au thérapeute durant l’accompagnement. Il est observable que l’avancement des phases émotionnelles de Walter n’est pas linéaire.

Néanmoins, ce modèle permet, en action via le plan de traitement, de faciliter le changement lui-même pour Walter qui sortira de cette épreuve plus fort, avec une estime de soi intégrée ainsi qu’avec un nouveau sens pour le reste de sa vie.

En conjonction avec un lien thérapeutique suffisamment solide établie dans une relation de confiance avec un psychopraticien confirmé, ce modèle permet d’aider à faire prendre conscience que l’épreuve d’un deuil peut être cartographiée dans ses grandes lignes et les différents états émotionnels la composant normalisés dans une certaine mesure.

Articles

émotions et consorts

Emotions et consorts

Lire l'article
Walter en analyse

Walter en analyse

Lire l'article

Pour prendre rendez-vous merci de me contacter au
06 25 47 48 25
ou directement en ligne

JE PRENDS RENDEZ-VOUS
Pour garder le contact, utilisez les réseaux sociaux